Netanyahou : la politique du pire

Netanyahou : la politique du pire

Dans le film « un jour sans fin », le personnage principal, joué par l’inimitable Bill Murray, voit une journée de sa vie se répéter encore et toujours jusqu’à ce que finalement il tombe amoureux et accepte de s’ouvrir aux autres. Maintenant, remplacez Bill Murray par Benyamin Netanyahou et vous trouverez l’imitation israélienne d’un « jour sans fin ». En 2009, 2013, 2015 et dernièrement il y a deux semaines, ce dernier a en effet constamment remporté les élections en usant du même discours et de la même stratégie. Pourtant, contrairement à Bill Murray dans le film, « Bibi » Netanyahou souhaite non pas mettre fin au cycle mais en assurer à l’inverse la perpétuation.

Car ce « jour sans fin » de la politique israélienne est pour le premier ministre une bénédiction tant sont forts les soupçons de corruption qui pèsent sur lui. Conserver son poste, c’est ainsi se protéger à l’avenir d’éventuelles poursuites judiciaires. Mais c’est aussi pour lui le meilleur moyen de continuer sa politique inique de rapport de force qui consiste à piétiner systématiquement le droit international et les droits fondamentaux du peuple palestinien. C’est ce que j’appelle la politique du pire et malheureusement rien pour l’heure ne semble en mesure de l’arrêter.

 

Le choix du pire

Depuis 1967 et l’occupation de la Bande de Gaza, du plateau du Golan et de la Cisjordanie, l’Etat hébreu est confronté à un dilemme existentiel entre trois scénarios. Le premier consiste à accepter la solution promue par les Nations-Unies de deux Etats, un israélien et l’autre palestinien, sur la base des frontières de 1948 avec Jérusalem comme capitale respective. Le second prône l’instauration d’un Etat binational où juifs et arabes jouiraient d’une même égalité des droits. Enfin, le dernier scénario consiste à maintenir le statut quo issu de la guerre des Six-jours avec des palestiniens traités en peuple occupé sur leurs propres terres.

En d’autres termes, Israël avait le choix entre reconnaître un Etat palestinien à sa frontière, former un Etat démocratique de la Méditerranée au Jourdain ou créer un Etat ségrégationniste envers les arabes. Jusqu’en 2009, la politique israélienne n’avait jamais pu trancher ce dilemme et ce en raison de considérations militaires, religieuses ou territoriales. L’Etat hébreu avait ainsi oscillé entre les accords d’Oslo, premier pas vers la reconnaissance d’un Etat autonome palestinien, l’acceptation de la citoyenneté israélienne pour les arabes qui le souhaitent et la poursuite d’une colonisation illégale dans les territoires occupés.

Avec Netanyahou, à l’inverse, Israël a clairement choisi la voie d’un Etat ségrégationniste, « d’Apartheid » diront certains, où les arabes subissent une discrimination complètement assumée par le gouvernement et ce dans tous les domaines possibles et imaginables. « Bibi » a ainsi accéléré la colonisation au mépris des engagements pris à Oslo rendant impossible dans les faits toute création d’un Etat palestinien viable à l’avenir. De même, les palestiniens ont vu se multiplier les exactions et les actes racistes commis contre eux par les colons et les forces de sécurité israéliennes.

A ce tableau déjà très sinistre, il faut rajouter que Netanyahou et sa coalition de partis xénophobes s’en sont pris violemment aux arabes israéliens lors de la dernière campagne les considérant comme des citoyens de second zone, voir même tous simplement comme des non-citoyens. S’ils parvenaient à leurs fins, Israël ne serait plus alors une démocratie reposant sur l’égalité des droits mais un Etat ségrégationniste comme le furent les Etats-Unis après la guerre de Sécession.

 

La disparition de « l’amortisseur » américain

Nous pouvons être d’autant plus pessimistes dans un futur proche que Washington a abandonné son rôle traditionnel de garde-fou de la politique israélienne. Depuis 1967, en effet, les Etats-Unis avaient toujours posé des limites, des lignes rouges, à ne pas dépasser pour l‘Etat hébreu en échange d’un soutien diplomatique et militaire. Depuis l’élection de Trump, en revanche, Israël bénéficie d’une liberté de manœuvre inédite qui lui donne toute latitude pour mettre en œuvre la politique du pire.

De la reconnaissance de Jérusalem comme capitale unique de l’Etat Hébreu à l’annexion du Golan en passant par l’arrêt du financement de la mission onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Trump accentue en fait la tentation du gouvernement israélien d’accélérer la mise en œuvre d’une politique fondée à la fois sur le racisme et la xénophobie. En niant son rôle « d’amortisseur » dans la région, les Etats-Unis se sont donc engagés dans un soutien absolu à la politique israélienne bien que celle-ci ne respecte plus les principes élémentaires de la démocratie et de l’Etat de droit.

 

Une politique à courte-vue uniquement fondée sur le rapport de force

L’Etat hébreu profite en réalité d’une conjoncture favorable pour accumuler les gains diplomatiques à court-terme. C’est d’ailleurs la seule politique de Benyamin Netanyahou. Avec des Etats Arabes pris par leurs considérations internes et leur rivalité avec l’Iran, une Amérique présidée par Trump et un Brésil dominé par un démagogue, la situation internationale confère à Israël une fenêtre d’opportunités inespérée pour imposer son agenda au Proche-Orient.

Mais cette politique n’est fondée que sur le rapport de forces international et militaire. Ces bases sont donc fragiles puisque comme l’histoire l’a montré les rapports de force se modifient constamment au fil des siècles. En cela, le conflit israélo-palestinien ne fera probablement pas exception. D’une part, les prévisions démographiques sont beaucoup plus favorables aux palestiniens. D’autre part, la supériorité militaire israélienne dépend en grande partie de l’aide américaine. Or, celle-ci est loin d’être assurée à l’avenir tant les équilibres démographiques se modifient en Amérique au profit des hispaniques qui sont moins favorables à l’Etat hébreu que ne l’a été jusqu’alors la majorité blanche. Enfin, les américains sont de plus en plus enclins à abandonner leur rôle international au profit d’une vision centrée sur « l’Amérique d’abord » traduisant un retour en grâce de l’isolationnisme ces dernières années.

Même s’il est difficile de prédire l’avenir, il est clair néanmoins que le rapport de force actuel ne peut durer et qu’Israël sera confrontée à l’avenir à un déclin de ces capacités industrielles et militaires. C’est pourquoi, sa politique actuelle de ségrégation et de dénigrement du droit international ne serait constituer un plan viable à long-terme.

En comptant exclusivement sur un rapport de force favorable dans une logique de racisme assumé, le gouvernement israélien a donc choisi la politique du pire. Le problème c’est qu’à ce petit jeu-là, à long-terme, l’Etat hébreu sera en position non pas de force…mais de faiblesse.