La « nouvelle gauche » et la mort en silence du socialisme

La « nouvelle gauche » et la mort en silence du socialisme

La nouvelle n’a pas fait la une des journaux. Pourtant, elle est d’une importance capitale. Depuis le retour de la République en 1871, jamais l’assemblée nationale n’était en effet privée d’un groupe de députés se revendiquant explicitement du socialisme.

Or, il y a quelques jours, les rares députés PS ont formé un groupe parlementaire intitulé « la nouvelle gauche ». Finis donc l’étiquette socialiste et sa cohorte de figures illustres de Jaurès à Mitterrand en passant par Blum. Place dorénavant à « la gauche », expression d’autant plus intéressante qu’elle est suffisamment floue pour s’épargner des débats doctrinaux dont on sait qu’ils ne vont que diviser davantage ce qui reste du parti socialiste.

Pourtant, lorsque le mot « socialisme » fut inventé par Pierre Leroux en 1834, aucun socialiste ne se disait de gauche*. Pour eux, la gauche représentait cette bourgeoisie éclairée et progressiste issue des idées libérales de la Révolution Française opposée à une droite conservatrice ou réactionnaire.

Il ne faut jamais oublier que des hommes comme Tocqueville** ou encore les très libéraux Frederic Bastiat ou Jean-Baptiste Say étaient placés à gauche par leurs contemporains. Les socialistes, quant à eux ne voulaient pas être rangés dans un clivage « bourgeois » entre droite et gauche.

Pire, par deux fois, lors des journées de Juin 1848 puis durant l’écrasement de la commune en 1871, ce sont des représentants de la gauche bourgeoise, Cavaignac puis Thiers, qui ont mené la répression contre les classes populaires acquises aux idées socialistes.

Il aura en fait fallu l’affaire Dreyfus pour voir les socialistes se ranger derrière la bannière de la gauche. Cette alliance entre la bourgeoisie progressiste et les classes populaires, fruit d’une volonté commune de lutter contre les restes de l’ancien régime, permettra un certain nombre d’avancées sociales comme les congés payés ou l’abolition de la peine de mort.

Elle permettra surtout à la gauche de l’emporter électoralement en 1936 avec le Front Populaire puis en 1981 avec le programme commun mitterrando-communiste.

Mais cette alliance fut brisée en 1983. Du fait de la mondialisation des échanges et de l’intégration européenne, les intérêts de la bourgeoisie progressiste et ceux des classes populaires vont radicalement diverger.

D’un côté, la bourgeoisie profite de la libéralisation des échanges et des capitaux pour asseoir sa domination économique. De l’autre, les classes populaires voient leurs emplois se délocaliser dans des pays à faibles coûts de main d’œuvre. « Le tournant de la rigueur » de 1983 ne sera en sorte que le point de rupture entre ses deux classes sociales.

En 1983, Mitterrand abandonne donc le socialisme et les classes populaires au nom de l’ordo-libéralisme européen. Par la même, il les pousse dans le bras du Front National qui dès 1984 commence à glaner des succès électoraux***.

Pour compenser, la gauche va miser sur l’immigration et sur l’antiracisme ce qui sera connu plus tard comme étant « la stratégie Terra Nova ». Mitterrand aura donc réussi l’exploit de faire du parti socialiste un parti de gauche mais idéologiquement … non socialiste.

Ces disciples poursuivront l’œuvre accompli avec davantage de zèle et de cynisme encore. Les rejetons du mitterrandisme ne seront d’autres que les Attali, Strauss-Kahn, Lamy, Moscovici et … Hollande.

Ce dernier sera d’ailleurs l’archétype de cette gauche qui ne souhaite plus être socialiste en trahissant le discours du Bourget. En somme, une gauche sociétale et non socialiste et ceux au moment même où la critique socialiste du capitalisme n’a jamais été autant pertinente.

Face à un capitalisme qui récuse toute idée de frontières et de limites, face à la marchandisation progressive de tous les rapports sociaux, comment ne pas voir en effet que les Marx, Engels, Proudhon ou Orwell ont beaucoup à nous apprendre ? En abandonnant toute référence au socialisme, le groupe « nouvelle gauche » ne tourne-t-il pas le dos à une tradition intellectuelle en mesure de comprendre le monde dans lequel nous vivons ?

*Voir le livre de Jean-Claude Michéa, Les mystères de la gauche.

**Tocqueville était le chef de file du groupe « La jeune gauche » à l’assemblée sous le règne de Louis-Philippe

***Voir le dernier livre de Pascal Perrineau, Cette France de gauche qui vote FN.

Incertitudes et montée des tensions dans la péninsule coréenne

Incertitudes et montée des tensions dans la péninsule coréenne

Depuis 1947, la Corée du Nord est un mystère de l’histoire. Vivant comme un véritable ermite, ce pays est l’ultime vestige de la guerre froide. On ne commente déjà plus les exécutions aux canons anti-aérien et autres bizarreries d’un régime pris dans une folie dévastatrice.

La Corée du Nord est un monde à part. Un monde où raison et modération n’ont pas leur place. Un monde où le concept même d’humanité semble avoir disparu.

Mais ce monde possède au moins une qualité : sa géographie. « Un Etat fait la politique de sa géographie » disait Napoléon. Ce conseil, la dynastie des Kim l’a parfaitement compris. Coincée entre la Chine d’un côté, le Japon et la Corée du Sud, véritables têtes de pont de la puissance américaine, de l’autre, la Corée du Nord est l’état tampon par excellence.

De par son positionnement territorial, le pays ermite est une zone de fracture d’une lutte qui dépasse le simple cadre Coréen : la rivalité sino-américaine pour l’Hégémon. En d’autres termes, derrière le conflit entre les deux Corées, se décline le spectre d’un conflit global entre les deux superpuissances.

Paradoxalement, c’est donc entre les mains d’un Etat dépassé dirigé par des fous que se trouve la clé de la stabilité non seulement de la région mais peut-être du monde. Si cette pensée peut faire frémir plus d’un, elle est l’atout numéro un de Pyongyang. Elle lui donne en tout cas une formidable marge de manœuvre face au géant chinois, seul allié du régime.

Pour n’importe quel pays allié à Pékin, le développement d’un programme nucléaire militaire serait ainsi un casus belli. Pas pour la Corée du Nord. Excédés, les chinois ont décidé de changer les choses. D’une part, ils ont mis pression sur Kim Jong-Un en réduisant leurs exportations de charbon vers le territoire nord-coréen. D’autre part, ils agissent en coulisse pour changer l’équipe en place à Pyongyeang tout en s’assurant que les fondations du régime ne s’effondrent pas.

Pour Pékin, le pire serait évidemment de voir des soldats américains de l’autre côté de la rivière Yalou. Dans cette optique, on peut raisonnablement penser que le demi-frère de Kim Jong-Un, Kim Jong-Nam, a rencontré des dignitaires chinois avant d’être assassiné à l’aéroport de Kuala Lumpur. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que le « cher leader » assassine un membre de sa famille.

Mise sous pression, la Chine l’est d’autant plus que la montée des tensions dans la péninsule coréenne fait le jeu de son grand rival américain. La menace nord-coréenne est ainsi le principal prétexte de la présence américaine dans la région.

Pour le président Trump, comme pour son prédécesseur, de cette région dépend le leadership de l’Amérique. Il faut donc frapper fort et vite. Renforcement de la présence militaire par l’arrivée sur zone du porte-avion USS Carl Vinson, déploiement du bouclier anti-missile THAAD, le duo Trump-Matthis ne lésine pas sur les moyens.

Pourtant, cette stratégie, payante jusque-là, connaît ses premières difficultés. L’élection de Moon Jae-in, un modéré favorable au dialogue avec le Nord, comme président de la Corée du Sud est une épine dans le pied de Washington. Le premier acte de son mandat fut d’ailleurs de suspendre le déploiement du bouclier anti-missile pour des raisons… environnementales.

Bien sûr, personne n’est dupe, la présidence sud-coréenne ne veut surtout pas se mettre à dos la Chine et son juteux commerce. La visite du président Moon à Washington hier avait donc pour objectif de dissiper les malentendus entre Séoul et la Maison Blanche.

Or, sur le fond, les malentendus persistent. Dès lors, il est fort probable que la Corée du Sud se rapproche de la Chine sans pour autant renoncer à la garantie américaine sur sa sécurité.

Paradoxalement on arriverait à cette situation absurde qui veut que la Corée du Sud lorgne du côté de la Chine tandis que le Nord devient le meilleur allié objectif des Etats-Unis. La géopolitique réserve ainsi parfois quelques belles surprises. Comme quoi Monsieur Napoléon, les Etats ne font pas toujours la politique de leurs géographies…

Macron tout-puissant : la présidence absolue

Macron tout-puissant : la présidence absolue

Nous sommes en 1661. Mazarin, premier ministre et gouvernant du royaume vient de s’éteindre. Le roi, Louis XIV, plus intéressé par la chasse que par la politique, s’avance vers le conseil des ministres.

L’homme, plein d’autorité, annonce à la grande surprise du conseil qu’il gouvernera seul, sans premier ministre, et finit son allocution par le célèbre « l’Etat, c’est moi ». Profondément marqué par la Fronde des grands du royaume, le monarque concentre entre ses mains tous les pouvoirs.

Moins de 400 plus tard, l’histoire se répète de nouveau confirmant l’intuition de Hegel pour qui l’histoire se répète deux fois, la première comme tragédie, la seconde comme farce. Sauf qu’ici, il n’y a pas de farce. Le pouvoir macronien ne rigole pas.

Au contraire, il est incroyablement professionnel, maîtrisé et centralisé. Derrière un visage d’ange, le pouvoir n’a jamais été autant concentré dans les mains d’un seul homme depuis le règne de Louis XIV. Même Napoléon et De Gaulle ne concentraient pas autant de pouvoir. Avec Macron, la France est redevenue une monarchie absolue.

Cette conviction m’est apparue aux vues de trois actes forts du président Macron.

 

I) Acte 1 : La formation du premier gouvernement

Dès lors qu’Emmanuel Macron fut élu président de la République, la mécanique du pouvoir macronien s’est mise en marche. Le nouveau président s’est en effet entouré d’une garde rapprochée de technocrates ayant la main sur tout. Souvent issus de l’ENA, ces conseillers du prince sont ici pour appliquer les directives présidentielles.

On retrouve parmi eux Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, Patrick Strzoda, directeur de cabinet, Philippe Etienne, conseiller diplomatique ou encore Pierre de Bousquet de Florian, coordinateur du renseignement et de la lutte antiterroriste. Avec eux, ce sont une cinquantaine de conseillers, rien qu’à l’Elysée qui dans tous les domaines se comportent en chefs d’administration n’ayant comme seul référent le président de la République.

On pourrait dire que cette pratique est normale pour la Vème République. Après Sarkozy et Hollande, nous serions retournés au fondement du gaullo-miterrandisme présidentiel. Or, à l’époque, le gouvernement pouvait se targuer d’une certaine marge de manœuvre.

Aujourd’hui la donne a changé. La formation du premier gouvernement nous donnait à voir pour la première fois la méthode Macron.

En choisissant Edouard Philippe comme premier ministre, Macron gagnait sur trois tableaux. D’abord, en prenant une figure montante de la droite, il fracturait profondément les Républicains à quelques semaines des législatives. De plus, il choisissait un député à la fois jeune et peu connu du grand public accréditant la thèse du renouvellement. Enfin, n’étant pas un poids lourd politique, il ne risquait pas de faire de l’ombre au président.

Mais, le plus surprenant, c’est que le premier ministre est directement surveillé par l’Elysée. Le président a en effet placé des hommes de confiance à Matignon qui l’informe sur les projets du premier ministre. Ce dernier a d’ailleurs dû batailler pour avoir son propre directeur de cabinet au lieu et place de Nicolas Revel, un proche de Macron.

En plus de Philippe d’autres ministres ont été mis sous surveillance par l’Elysée. Jean-Yves le Drian fut ainsi contraint d’accepter la présence d’Emmanuel Bonne comme directeur de cabinet à la place de son ami Cédric Lewandowski, Bonne étant d’ailleurs à la fois directeur du cabinet du ministre et conseiller spécial du président. Au sein du ministère des armées, la ministre Sylvie Goulard était également totalement contrôlée par un cabinet entièrement à la main du président.

Cette technique de contrôle de l’action gouvernementale par les hommes de l’ombre du président est la marque de fabrique du Macronisme. Tout est en effet centralisé à l’Elysée. Les ministres ne sont que de simples exécutants d’une politique décidée par le président. Ils n’ont plus de marges de manœuvres comme au temps de Sarkozy ou Hollande.

Pire, ce sont eux qui sont placés en première ligne permettant au président d’avoir un filet de protection en cas d’échec. En d’autres termes, les ministres bien qu’en réalité ils n’aient aucun pouvoir, tout se jouant à l’Elysée, seront jugés responsables en cas de mauvais résultats.

Il faut néanmoins noter que deux ministères échappent à ce contrôle présidentiel, la justice, avec François Bayrou et Bercy avec Le Maire et Darmanin.

 

II) Acte 2 : l’affaire du MODEM

Une fois ce premier gouvernement sur les rails, l’Elysée s’est aperçue que Bayrou et son ami De Sarnez pouvaient représenter une véritable épine dans le pied. Menacés dans les affaires d’emploi fictif au parlement européen, les ministres MODEM avaient également pris la fâcheuse tendance de revendiquer une certaine liberté politique.

Bayrou savait que le rapport de force lui allait être défavorable au fil du quinquennat. Il avait donc joué un coup de Poker en réclamant une centaine de circonscription pour son parti pour les législatives. Il pensait en effet que si la République en Marche n’avait pas la majorité absolue au parlement sans le MODEM alors il serait devenu incontournable pour la suite du quinquennat.

Hélas pour lui, avec 308 députés, LREM atteint seul la majorité absolue. Bayrou a perdu son pari et toutes ses chances de rester au gouvernement.

Habilement, Macron a contraint Sylvie Goulard à démissionner au nom des affaires du MODEM. Pour ma part, je suis intimement convaincu que ce départ n’avait rien à voir avec les affaires mais est lié au fait que Goulard n’acceptait plus la tutelle envahissante de l’Elysée. En tout cas, cette démission rendait intenable la position de Bayrou et Sarnez. Pourquoi en effet ne démissionnent-ils pas alors qu’ils sont cités dans la même affaire que Sylvie Goulard ?

La pression médiatique aidant, Bayrou retourne à Pau où il sera inoffensif pour l’Elysée. Pour De Sarnez, l’humiliation est plus grande encore. Se présentant à la présidence du groupe MODEM à l’assemblée elle doit se retirer au dernier moment pour éviter une défaite annoncée. Ancienne ministre, elle n’est plus qu’une député d’un groupe minoritaire.

En fait, Macron a gagné, le MODEM n’est plus qu’une force marginale incapable de s’opposer à son pouvoir. Pour la Forme, Macron a pris deux ministres issues du MODEM, Jacqueline Gourault et Geneviève Darrieussecq, deux personnalités politiques secondaires occupant des postes subalternes. Au MODEM, on boit donc le calice jusqu’à la lie.

 

III) Acte 3 : le remaniement ministériel

Débarrassé du MODEM, Macron doit gérer une autre affaire embarrassante, celle de Richard Ferrand. Or, étant un très proche du président et sa principale éminence grise politique, Ferrand ne peut pas être écarté comme Bayrou.

Macron décide alors de l’exfiltrer du gouvernement vers la présidence du groupe En Marche à l’assemblée où il sera clairement moins exposé par les affaires. De fait, le président place un homme à lui pour surveiller la majorité parlementaire et ceux alors que le premier ministre est censé être le chef de la majorité. Les nouveaux députés LREM ne se trompent d’ailleurs pas, pour eux, le véritable pouvoir n’est pas à Matignon mais à l’Elysée.

Tenant via Richard Ferrand et Catherine Barbaroux, présidente du mouvement En Marche, les députés de la majorité, Emmanuel Macron ne peut plus craindre des frondes parlementaires comme sous le quinquennat Hollande. Au contraire, étant donné leur maigres expériences politiques, les députés seront d’autant plus faciles à contrôler.

Ils deviendront des députés Godillots sous le contrôle étroit du président de la république. Le premier ministre perd quant à lui un aspect essentiel de ses fonctions sous la Vème République.

Pour compenser cette perte et voir ses marges de manœuvre renforcées face au président, le premier ministre comptait voire débarquer plusieurs ministres de droite au gouvernement. Il avait même mis sous pression le président en formant grâce à son ami Thierry Solère un groupe LR-UDI dit des « constructifs » le matin même du remaniement ministériel.

Or, Macron n’a pas cédé un pouce. Au contraire, il a nommé deux personnalités transparentes sans poids politique, plutôt à gauche, Nicole Belloubet à la justice et Florence Parly à la défense. Pire, les deux seuls alliés de Philippe au Gouvernement, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, se voient mis sous tutelle par l’Elysée qui a placé Benjamin Griveaux, un très proche d’Emanuel Macron, comme ministre sans portefeuille à Bercy. Griveaux sera un peu l’œil de Macron au sein du ministère surveillant chaque faits et gestes des deux ministres de droite.

Pour les « constructifs », c’est donc la soupe à la grimace. Malgré leurs allégeances, ils n’ont rien obtenu. Ils ont en fait servi d’idiots utiles du macronisme pour faire éclater la droite. Pour Edouard Philippe, la situation est de plus en plus difficile. Privé de marges de manœuvre et d’alliés au sein du gouvernement, il voit ses pouvoirs petit à petit grignoter par ceux du président.

 

Emmanuel Macron est donc un hyperprésident, « jupitérien » disent les médias. Il est clair que depuis qu’il est installé à l’Elysée tout dépend de lui. Le pouvoir est ainsi conçu comme une pyramide où le président décide puis fait exécuter ses ordres à ses ministres via un réseau de technocrates à son service qui sont tachés de surveiller chaque ministère. Même le premier ministre est soumis à ces règles implacables.

Le contrôle se déploie également à l’Assemblée où Richard Ferrand a pour tâche d’encadrer les nouveaux députés. Cette configuration pyramidale peut renvoyer au Sarkozysme à la différence que Macron agit dans l’ombre, à l’abri des médias.

La présidence Macron est en fait une présidence absolue au sens où parlementaires et ministres se sont transformés en simples exécutants. Comme Louis XIV avant lui, il concentre en sa personne l’ensemble des pouvoirs. Dorénavant, l’Etat c’est lui…

Pourquoi les élections législatives sont une farce pour la démocratie?

Pourquoi les élections législatives sont une farce pour la démocratie?

« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie ; le suffrage par le choix est celle de l’aristocratie ». Montesquieu ne savait pas à quel point il était dans le vrai. Les dernières élections législatives confirment en tout cas son diagnostic. Jamais nous n’avions assisté à une si large victoire du parti au pouvoir. Jamais, la nouvelle chambre ne sera autant oligarchique.

Avec plus de 400 députés En Marche dimanche soir, l’assemblée sera en effet composée quasi exclusivement d’un seul parti. Or, pas d’opposition, pas de débat. Pas de débat, pas de démocratie. C’est aussi simple que ça. Les élections législatives sont devenues par essence des élections non démocratiques. Il est temps de voir pourquoi.

 

I) Une assemblée non représentative

Lorsque débute la révolution française, la question du régime représentatif était au cœur des débats. Comme on le sait Sieyes, l’auteur du fameux Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? et partisan d’une démocratie d’assemblée, l’emportera sur les disciples de Rousseau adeptes de la démocratie directe. Avec lui, la France fait le choix de déléguer la souveraineté du peuple à des représentants élus, ce qu’on nommera plus tard l’assemblée nationale*.

Or, ce principe de délégation ne fonctionne plus aujourd’hui. Pire, on peut raisonnablement dire que le principe représentatif a été vidé de sa substance. Le député, autrefois pivot de la démocratie, est devenu le représentant d’une extrême minorité de citoyens.

En effet, le mode de scrutin uninominal à deux tours accompagné d’une abstention massive exclut la majorité des citoyens français. Avec 32% des voix, LREM a gagné les dernières élections. C’est au passage un score inférieur au score du parti socialiste en 2012.

Or, si l’on prend en compte l’abstention à 51% soit 22 millions de personnes, plus les 3 millions de personnes non-inscrits, on peut dire que seuls 22 millions de personnes ont voté sur les 47 millions possibles. En faisant 32% des voix, LREM a donc obtenu environ 7 millions de voix soit 1 million de moins qu’au premier tour de la présidentielle. Par conséquent, avec 7 millions de voix sur 47 millions d’électeurs potentiels, le score d’En Marche est donc non pas de 32% mais de 15%. Les députés de LREM ne devraient donc pas se réjouir si vite, ils ne représentent qu’au mieux un électeur sur six ! Avec une triangulaire, ce chiffre peut monter à 1/7 ou à 1/8. Avec l’étiquette En Marche, même un âne serait élu!

Il est difficile de parler de parler d’assemblée représentative du peuple français lorsque seule une toute petite minorité est réellement représentée. Les élections législatives ressemblent en quelque sorte aux élections parlementaires en Algérie ou en Egypte ! Même le parlement iranien est plus représentatif que ne l’est l’assemblée nationale en France. Qui ose dire que notre démocratie n’est pas malade ?

Le plus surprenant c’est qu’avec 32% des voix, LREM aura plus de 400 députés, soit 70% du total des sièges. Le PS a obtenu 9% des voix mais aura le double de députés de la France Insoumise pourtant devant lui avec 11%. Surtout le PS aura près de cinq fois plus de députés que le FN qui pourtant le devance de 5 points. Si l’on prend en compte les résultats du premier tour de la présidentielle, les 6% de Hamon, soit 3 millions de voix, seront davantage représentés que les 45% cumulés (15 millions de voix) de Mélenchon, Le Pen, Dupont-Aignan ou Asselineau. Quelle belle démocratie que la France !

Une assemblée qui ne représente quasiment personne, voilà le résultat des élections législatives.

 

II) Un faux renouvellement de l’assemblée

A gauche, Cambadelis, Hamon, Filipetti, Duflot, Menucci. A droite, Guaino, NKM, Goasguen. Les têtes tombent, le renouveau s’impose. Une nouvelle génération arrive et avec elle c’est la société civile qui est aux commandes. Cédric Vilani, médaille fields de maths, Marie Sara, torera professionnel, Eric Halphen, célèbre juge, il n’y avait jamais eu autant de candidats vierges en politique. Comble de bonheur, la parité a été respectée et la jeunesse prend le pouvoir. Bienvenue en Macronie, ce pays où tous les fantasmes deviennent réalité. Orwell avait raison quand il parlait de novlangue médiatique.

Pourtant, si l’on regarde de plus près, ce renouvellement est une vaste farce, du pipeau aurait dit le vieux du coin. Selon une étude du Monde**, seuls 52% des candidats macronistes sont issus de la société civile. Or, parmi ces 52%, un grand nombre travaillait déjà auprès d’hommes politiques. Un tiers seulement est donc réellement issu de la société civile.

De plus, toujours selon Le Monde, parmi ce tiers, il existe une surreprésentation des catégories supérieurs, des CSP plus. Il y a par exemple 71 candidats qui sont cadres dans les activités de « consulting », 32 dans les banques et assurances dont un numéro deux d’HSBC France et un directeur d’Axa. Par contre, il n’y a qu’un seul ouvrier candidat pour En Marche. On peut donc voir que loin de représenter la société civile, LREM est le parti des cadres, des professions libérales et des patrons, en somme c’est le parti des « gagnants de la mondialisation ».

Ce point est central car si les résultats se confirment au second tour, cela voudra dire que l’Assemblée sera composée en grande partie de représentants de ces catégories sociales. Avec cette configuration les deux tiers de l’assemblée seront pro-mondialisation, pro-européens, pro-business ou encore pro-immigration. Or, nous avons vu que sur l’Europe, les candidats eurosceptiques, de Mélenchon à Le Pen en passant par Dupont-Aignan, ont fait entre 45 et 50% aux premier tour de la présidentielle. On mesure bien le décalage absolu qui existe entre la future assemblée et le peuple français.

De plus, aux législatives ne votent que les catégories supérieures, les retraités et les fonctionnaires soit en somme les « gagnants de la mondialisation » ou ceux qui n’en subissent pas les conséquences. A l’inverse, les jeunes, les ouvriers et tout ce que Guilly appelle « la France périphérique » ne votent pas. C’est donc la minorité plus aisée qui gouvernera la majorité des plus pauvres. Chez moi, on appelle ça une oligarchie. C’est simple, la France vient de réinventer le suffrage censitaire.

 

III) Une assemblée non représentative est un danger pour la démocratie

J’ai donc montré que ces élections n’étaient qu’une farce, une mauvaise blague démocratique. Or, le plus grave est que l’assemblée est censée être le réceptacle des idées du citoyen. Ne jouant plus son rôle, elle n’est plus qu’une chambre d’enregistrement sans contradiction ni débat appliquant avec zèle les directives présidentielles.

Déjà qu’elle a perdu une grande partie de son pouvoir du fait de la construction européenne, l’Assemblée n’en aura quasiment plus aucun dans le prochain quinquennat. Il ne faudra plus parler de pouvoir législatif mais d’autorité législatif pour bien montrer cette dépossession. D’ailleurs, les députés macronistes, issus de la société civile, habitués au pouvoir au sein des entreprises, vont sans doute être déçus lorsqu’ils se rendront compte de la triste réalité à savoir qu’un député aujourd’hui ne sert presque plus à rien.

Avec ce type d’assemblée, c’est donc l’équilibre des pouvoirs qui est remis en question. N’ayant plus de moyens de s’opposer, les français ne pourront qu’aller dans la rue pour s’opposer ou se résigner au silence se désaffiliant de la politique.

En cela, la configuration est proche de l’assemblée issue de la monarchie de juillet entre 1830 et 1848. Cette chambre était en effet comme aujourd’hui une assemblée de bourgeois aux mêmes intérêts. Tocqueville*** disait en janvier 1848 a cette chambre : « Je me permettrai encore de leur demander si, à leur connaissance, depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, le nombre de ceux qui votent pour eux par suite d’intérêts personnels et particuliers, ne croît pas sans cesse ; si le nombre de ceux qui votent pour eux par opinion politique ne décroît pas sans cesse ? » Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Or, un mois après le discours de Tocqueville, la monarchie était renversée.

 

La démocratie est donc en danger. Avec une assemblée aussi peu représentative électoralement et sociologiquement, le parlement n’a jamais été aussi distinct des citoyens français. Appliquer une proportionnelle intégrale et ceux le jour du premier tour de la présidentielle (un peu comme aux Etats-Unis) me paraît la meilleure option pour redonner du lustre à notre assemblée nationale. A notre cher président je conseillerais de lire l’extrait suivant du discours de Tocqueville : « Gardez les lois si vous voulez ; quoique je pense que vous auriez tort de le faire, gardez-les ; gardez même les hommes, si cela vous fait plaisir, je n’y fais aucun obstacle ; mais, pour Dieu changez l’esprit du gouvernement, car je vous le répète, cet esprit-là vous conduit à l’abîme ! ».

 

*Lire le chapitre sur la souveraineté du livre de Jacques Julliard Les Gauches Françaises, 1762-2012, Histoire, politique et imaginaire (2014)

**Articles du Monde enquêtant sur les candidats d’En Marche : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/06/06/qui-sont-les-candidats-de-la-republique-en-marche-l-enquete-du-monde_5139646_4355770.html

***Discours prononcé le 27 janvier 1848 par Alexis de Tocqueville

Le vrai/faux des élections en Grande Bretagne

Le vrai/faux des élections en Grande Bretagne

Theresa May a donc perdu son pari. Convoquant de nouvelles élections pour conforter sa majorité, elle s’est prise les pieds dans le tapis ne parvenant pas à atteindre la majorité absolue. La presse ne mâche pas ses mots. « Fiasco », « désastre », « désaveu », Theresa May est clouée au pilori.

Pourtant, à regarder de plus près cette élection est nettement plus difficile à analyser que ne le laissent supposer les titres des tabloïds. C’est pourquoi j’ai décidé d’écrire cet article sous l’angle original du vrai/faux pour pouvoir faire toute la lumière sur ces élections.

 

1) Ces élections sont un échec pour Theresa May. (Vrai)

Pour commencer, le premier ministre britannique s’était imposée peu après le Brexit. David Cameron ayant démissionné après son échec au référendum et les pro-brexit Boris Johnson, Michael Davis ou Michael Gove étant minoritaires au sein des Tories, le parti conservateur avait choisi cette femme consensuelle et expérimentée, ancienne ministre de l’intérieur pendant six ans, pro-remain tout en étant eurosceptique.

Il faut toujours rappeler que la grande majorité de la classe politique britannique est eurosceptique ce qui ne signifie pas qu’elle voulait majoritairement quitter l’Union Européenne. Il faut rappeler également que près de 128 des 330 députés conservateurs, dont cinq ministres du cabinet Cameron, ont fait campagne pour le Brexit ce qui permet de relativiser les accusations de « populisme ».

En tout cas, Theresa May s’était imposée comme la véritable patronne du parti et avait réussi ses débuts au 10 Downing Street. Les sondages lui étant très favorables, elle a décidé de convoquer des élections législatives anticipées. Rappelons que la chambre des communes est issue de l’élection de 2015 dans lequel le leader tory n’était pas Theresa May mais David Cameron. Par cette élection, May souhaitait donc bénéficier d’une légitimité électorale qu’elle ne possédait pas. Or, elle qui voulait obtenir plus de 330 sièges n’en a finalement obtenue que 318. Donc oui, cette élection est bien un échec.

 

2) Theresa May a raté sa campagne. (Vrai)

May a incontestablement manqué sa campagne électorale.

D’une part, placée très haut dans les sondages, elle n’a pas réalisé une campagne de terrain suffisante, au contraire des travaillistes très mobilisés.

D’autre part, la vague d’attentats qui secoue la Grande-Bretagne ces derniers mois lui a porté un préjudice extrêmement grave. Sa responsabilité fut en effet pointée du doigt par ses opposants du fait qu’occupant le poste de ministre de l’intérieur elle a supprimé près de 20000 postes de policiers, des coupes dénoncés par les services de renseignement.

Le plus étrange, c’est que c’est Jeremy Corbyn, le leader travailliste, qui porta ces accusations, lui l’islamo-gauchiste qui trouvait la politique de May trop répressive. Comme on dit en France, c’est l’hôpital qui se fout de la charité !

De même, elle a considérablement sous-estimé la menace de l’Etat Islamique n’élevant le seuil d’alerte qu’au lendemain des attentats de Manchester malgré les inquiétudes des services de sécurité. Pour toutes ces raisons, Theresa May a perdu les quelques dizaines de milliers de voix lui permettant d’atteindre la majorité absolue.

 

3) Les conservateurs ont connu un véritable fiasco. (Faux)

Si l’on se fie aux médias, les Tories auraient connu une défaite sans précédente et une percée historique du parti travailliste. Or, ce n’est absolument pas le cas. Avec 318 députés contre 261 pour le Labour, le parti conservateur est largement en tête. Il est vrai qu’ils ont perdu 12 sièges par rapport à 2015 alors que les travaillistes ont gagné plus de 30 sièges. Mais en nombre de voix, le parti conservateur gagne environ deux millions de voix supplémentaires (13 contre 11 millions en 2015).

Surtout les Tories font un score largement supérieur aux élections de 2010, considérées comme un triomphe pour David Cameron (318 députés aujourd’hui contre 306 en 2010). Le score important des travaillistes provient principalement de l’effondrement du SNP, parti nationaliste écossais, qui perd près de 21 sièges (56 contre 35). Le SNP de Nicolas Sturgeon, principal rival des travaillistes en Ecosse, a fait les frais de ses pressions indépendantistes.

Les conservateurs ont donc obtenu un bon score lors de ces élections. L’absence de majorité absolue est davantage due à la forte mobilisation de l’électorat travailliste qu’au faible score des Tories.

 

4) Theresa May doit démissionner. (Faux)

A l’affichage des résultats, Corbyn a appelé May à la démission, cet appel fut ensuite relayé ensuite de manière très complaisante par les médias français. Or, en obtenant 318 sièges, Theresa May est à 8 sièges de la majorité absolue (326 sièges).

Pour obtenir cette majorité absolue, elle peut s’appuyer sur le DUP, le parti unioniste nord-irlandais, proche des conservateurs qui a obtenu 10 sièges. Il ne fait donc presqu’aucun doute que Theresa May sera de nouveau au 10 Downing Street dans un gouvernement tories-DUP.

 

5) Jeremy Corbyn peut devenir premier ministre. (Faux)

Le bon score des travaillistes avec 261 députés ne leur permet pas d’entrevoir la majorité absolue. Il leur manque en effet 65 sièges pour l’atteindre.

Le seul moyen serait de coaliser l’ensemble des forces présentes au parlement contre les conservateurs. Or, si le soutien des verts (1 siège), des indépendants (1 siège), du Sinn Fein (parti catholique nord-irlandais, 7 sièges) ou du Plaid CYMRU (nationalistes gallois, 4 sièges) semble acquis, le SNP, les libéraux-démocrates et le DUP vont être très difficiles à convaincre.

Le SNP (nationalistes écossais) avec ses 35 députés ne peut entrer dans une coalition qu’à condition qu’un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse soit organisée ce à quoi les travaillistes se sont opposés durant toute la campagne. Pour les libéraux-démocrates, le programme très à gauche de Corbyn est une raison suffisante pour ne pas s’allier. Enfin, le DUP ne pourra jamais entrer dans une coalition dans laquelle le Sinn Fein sera présent. En effet, trop de contentieux historiques opposent ces deux partis nord-irlandais. Le leader travailliste, malgré ses jérémiades ne pourra donc pas avoir une majorité suffisante pour gouverner.

 

6) Le Brexit a joué un rôle dans l’élection (faux)

On entend souvent ces derniers jours que le ralentissement britannique serait dû aux premières conséquences du Brexit. Or, cette affirmation est entièrement fausse. Elle frise parfois la malhonnête intellectuelle.

Comme le Brexit n’était pour rien dans la bonne santé britannique l’année dernière et au premier trimestre, de même, il n’est pour rien quant au ralentissement de la croissance. L’article 50 du traité de Lisbonne a été en effet adopté par le parlement anglais le 13 Mars.

Jusqu’à aujourd’hui, les deux parties sont en train de former leurs plans de négociation. Par conséquent, la négociation n’a même pas commencé et tous les accords passés restent en vigueur. Afin de juger des conséquences du Brexit il faudra probablement attendre une à deux années après la sortie définitive soit 2020, 2021.

 

7) L’UKIP paye les conséquences du Brexit (Faux)

Le parti UKIP est un parti dont l’importance est davantage médiatique que politique. En effet, Nigel Farage, le leader historique du parti, avait réussi à devenir incontournable médiatiquement au point qu’en France on pensait que l’UKIP était la principale force du Brexit alors qu’en fait une partie minoritaire, mais non négligeable des conservateurs avait fait le plus gros du boulot, celui de la crédibilité.

La retraite de Farage a en tout cas entraîné une crise de leadership au sein de l’UKIP.  Ce dernier est aussi un parti qui compte tenu du mode de scrutin uninominal à un tour n’est quasiment pas présent à Westminster. En 2015, il avait obtenu 1 député, en 2017, aucun. Obtenant près de 4 millions de voix en 2015, l’Ukip avait par exemple moins de député (1 seul seulement) que le SNP (56 députés pour 1,5 millions de voix) ou les libéraux-démocrates (8 députés avec 2,5 millions de voix). Le voir donc disparaître de Westminster n’est pas une surprise. Le Brexit n’a donc joué aucun rôle dans cette disparition.

 

8) L’élection va affaiblir la position britannique dans les négociations avec l’Union Européenne (Vrai)

L’élection de juin 2017 affaiblit clairement la position du gouvernement britannique dans la prochaine négociation. Elle indique en tout cas que la position de Teresa May est floue quant au choix du Hard Brexit ou du soft Brexit. Ses propres électeurs n’ont pas entraperçu un cap clair, un plan solide pour permettre aux britanniques de surmonter l’obstacle.

Néanmoins, il ne faut pas enterrer la perfide Albion si vite. Il ne faut pas oublier que l’Union européenne est elle-même très divisée quant à la stratégie à adopter. La Grande-Bretagne pourra très certainement jouer de ses divisions pour renverser le rapport de force. De même, on insiste beaucoup sur l’ampleur des négociations juridiques à mener. La Grande Bretagne ne devra-t-elle pas négocier plus de 8000 textes administratifs ! Or, étant membre des principales organisations internationales comme l’OTAN, l’ONU ou encore l’OMC, elle n’a pas besoin de négocier tous ces textes.

Par exemple, si même elle ne trouvait pas d’accord commercial avec l’UE, elle bénéficierait de la réglementation de l’OMC dont on ne peut pas dire qu’elle ne soit pas favorable au libre-échange. De même, la Grande Bretagne pourra bénéficier de l’acte unique européen qui permet la liberté de circulation des capitaux dans l’UE vis-à-vis des tiers. En réalité, le seul grand point délicat dans la négociation sera la question du passeport financier pour la City.

 

Chacune des affirmations ci-dessus ont été tirées du traitement des élections britanniques par les journalistes français. J’espère donc avoir rétabli une part de vérité au milieu d’un traitement médiatique qui me paraissait partial voire faux. Espérons que dans les prochains jours l’élection sera analysée avec davantage de rigueur qu’elle ne l’a été jusqu’à maintenant.

Arabie saoudite-Qatar : Pourquoi la rupture?

Arabie saoudite-Qatar : Pourquoi la rupture?

La rupture des relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite (suivie par l’Egypte, Bahreïn, les Emirats Arabes Unis et le Yémen) et le Qatar a fait l’effet d’une bombe. A première vue, ces deux pays partagent un certain nombre de points de vue en matière diplomatique, économique ou religieuse.

Les deux pays sont ainsi membres du conseil de coopération du golfe, sont tous deux des pays reposant sur la rente pétrolière et gazière et partagent enfin un même rigorisme en matière de religion. La rupture diplomatique est donc une surprise à plus d’un titre. Pourtant, des signes avant-coureurs pouvaient être d’ores et déjà détectés ces dernières années.

Pourquoi le royaume saoudien a-t-il rompu ses liens diplomatiques avec le Qatar ?

 

I) Une relation toujours difficile

Avant même son indépendance en 1971, le Qatar entretenait une relation ambiguë et difficile avec son voisin Saoudien. Dans les années 20, Ibn Saoud, fondateur du royaume saoudien, tente d’unifier l’ensemble de la péninsule arabique mais se heurte aux velléités d’indépendance de l’émirat qatari qui fait appel aux anglais pour repousser l’invasion.

Depuis lors, les qataris vont constamment se méfier de toutes ingérences saoudiennes. Ces événements, en tout cas, vont forger une véritable identité singulière au Qatar et une farouche défense de sa souveraineté vis-à-vis de ses voisins.

Néanmoins, en janvier 1972, quelques mois après l’indépendance, les saoudiens soutiennent le renversement du cheikh Ahmad Ben Ali Al Thani par son cousin Khalifa Ben Hamad Al Thani. La relation qataro-saoudienne devient alors exceptionnellement amicale même si le Qatar cultive toujours sa culture d’indépendance.

En 1995, l’émir du Qatar subit un coup d’état violent de la part de son propre fils Hamad Ben Khalifa Al Thani ce qui choqua profondément les saoudiens. En effet, ces derniers avaient entretenu des relations de confiance et d’amitié avec l’ancien émir. Surtout, son fils était le fer de lance des partisans d’une politique d’indépendance du Qatar. Le nouvel émir tissera ainsi des liens avec l’Iran, le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais ou encore avec le mouvement des Frères musulmans, tous considérés comme des ennemis par son voisin saoudien.

En 2011, Doha soutient largement les « printemps arabes » au détriment de la politique extérieure saoudienne largement tournée vers le statu quo. En 2013, l’émir du Qatar abdique au profit de son fils Tamin Ben Hamad Al Thani sans que cette succession ne modifie sensiblement la politique étrangère du Qatar.

 

II) L’Iran et l’Egypte : les deux dossiers de la discorde

La crise actuelle entre les deux pays ne peut se comprendre qu’à l’aune des deux conflits qui frappent la région : la rivalité irano-saoudienne et la lutte pour le leadership du camp sunnite.

Premièrement, la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran est au cœur des conflits qui minent le Moyen-Orient que ce soit en Syrie, en Irak ou au Yémen. J’ai déjà montré dans un article les tenants et les aboutissants de cette rivalité, je n’y reviendrai donc pas. Mais ce conflit a un impact direct sur la politique extérieure du Qatar.

Le petit émirat s’est ainsi positionné depuis 1995 entre ses deux grands voisins. Il ne s’est donc pas aligné sur la politique de containment de l’Iran proposée par le royaume saoudien. Au contraire, le Qatar entretient une coopération étroite avec l’Iran tant du point de vue des échanges économiques que dans l’exploitation des champs pétrolifères et gaziers. En 2010, l’émirat accueillit le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. En 2013, l’émir du Qatar joua un rôle diplomatique important sur l’accord nucléaire trouvé avec l’Iran. Au grand dam des saoudiens, l’Iran et le Qatar entretiennent donc des relations cordiales voire franchement amicales.

L’autre dossier clé qui empoisonne la relation qataro-saoudienne provient de la situation en Egypte. Depuis l’accord de Camp David en 1979*, les saoudiens, en effet, ont trouvé dans l’Egypte son allié régional indispensable dans leurs politiques anti-iraniennes. Longtemps protégés par le royaume saoudien, les frères musulmans vont faire les frais de ce revirement diplomatique.

En 2011, la chute d’Hosni Moubarak est considérée comme une catastrophe à Riyad. Or, la révolution de la place Tahrir a été largement favorisée par le Qatar via sa chaîne d’influence AL-Jazzera. Lors de l’élection présidentielle, le Qatar soutient le candidat des Frères musulmans Mohamed Morsi contre le général Ahmed Chafik soutenu lui par l’Arabie Saoudite. Victorieux avec 52% des voix, Morsi sera renversé en 2013 par un coup d’état du général Abdel Fattah Al-Sissi.

Or, ce sont les saoudiens qui ont très largement inspiré ce coup d’état. Il faut se souvenir que ce sont eux qui ont déclenché la pénurie de pétrole en Egypte qui a entraîné le début de la révolte. De même, ce sont eux qui ont dépensé des milliards d’euros pour renflouer l’état égyptien après la chute de Morsi. 2013 a été pour les saoudiens la revanche de 2011 et du départ de Moubarak.

Pour le Qatar, le coup est rude. Malgré cette défaite diplomatique, l’émirat continue néanmoins à soutenir les partis issus des Frères Musulmans dans tout le monde arabe ce qui ne fait qu’agacer encore plus son voisin saoudien.

 

L’Iran et l’Egypte sont donc actuellement les deux pierres d’achoppement de la relation toujours difficile entre le Qatar et l’Arabie Saoudite. Pendant longtemps, les Etats-Unis ont joué un rôle de médiateur entre ces deux pays. Sous Obama, le Qatar était même encouragé à se dissocier de son voisin et à servir d’intermédiaire entre l’Iran et les puissances occidentales.

Or, avec la présidence Trump, les Etats-Unis ont réitéré leur alliance indéfectible** avec l’Arabie Saoudite. La visite en Mai du président américain à Riyad a rassuré les saoudiens sur la relation spéciale entre les deux pays. Certains du soutien américain, le royaume saoudien a donc eu enfin les mains libres pour isoler son petit voisin qatari décidément si encombrant.

Pour l’émirat, la situation est très difficile. Soit, le Qatar rentre dans le rang ce qui implique une soumission aux cheikhs saoudiens, soit il conserve sa politique indépendante ce qui peut ne se faire qu’avec un total soutien des européens. Ce sera donc intéressant de voir ce qui sera décidé dans les prochains jours à Rome, Berlin ou Paris.

* Les accords de Camp David en 1979 font entrer l’Egypte dans le camp occidental et donc dans le camp saoudien. Le violent rejet de ces accords par les Frères musulmans poussera les saoudiens à abandonner son soutien à la confrérie.

**Cette alliance entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis date de 1945 et est connue sous le nom de « pacte du Quincy ».

Sunnite-chiite : toutes les clés pour comprendre le conflit

Sunnite-chiite : toutes les clés pour comprendre le conflit

Qu’est-ce qu’être sunnite ? Qu’est-ce qu’être chiite ? Pourquoi ces deux groupes se combattent-ils ? Toutes ces questions sont d’une actualité brûlante. Jamais, les médias n’ont autant parlé de ces deux groupes. Jamais, le besoin de compréhension du conflit sunnite/chiite n’a été aussi grand.

Et pourtant, la surexposition de ce clivage nous aveugle. Au moment où ce conflit fait le tour des images médiatiques, notre compréhension de celui-ci n’a jamais été aussi floue. Il est donc temps de montrer les racines véritables du conflit et toutes ces implications actuelles.

Quelles sont donc les clés de compréhension du clivage sunnite/chiite ?

 

I) Aux origines du sunnisme et du chiisme

A la mort de Mahomet, le fondateur de l’Islam, en 632, les autorités mecquoises décident de nommer Abou Bakr comme son successeur à la tête de la communauté des croyants, la Oumma. Celui-ci meurt deux ans plus tard en 634 laissant le calife Omar lui succéder.

Omar partira à la conquête de la Syrie, de l’Egypte et du monde perse prenant au passage la ville de Jérusalem. Le calife sera pourtant assassiné par un esclave d’origine perse en 644. Othman prend sa place et entreprend le travail de rédaction définitive du Coran. Il est lui-même assassiné en 656. Dès lors, le gendre et cousin de Mahomet, Ali, devient calife.

Au cours de son califat, Ali fait face à de nombreuses révoltes. La première est fomentée par Aicha, l’épouse préférée de Mahomet, et se termine par la victoire d’Ali lors de la « bataille du chameau ». Peu après, le gouverneur de la Syrie Muawiya, accuse Ali d’avoir participé au complot qui a entraîné l’assassinat d’Othman. A Siffin, dans l’actuel Irak, Muawiya évite le combat contre Ali en ordonnant que ces soldats accrochent des feuillets du Coran au bout de leurs lances.

Révoltés par ce refus de combattre, plusieurs partisans d’Ali tentent de le renverser. Ce sont les Kharijites, l’une des trois branches actuelles de l’Islam. Écrasés lors de la bataille de Nahrawan, c’est néanmoins l’un d’entre eux qui assassine Ali en 661.

Dès lors, la grande majorité des musulmans choisissent de soutenir Muawiya et ce dernier fonde le califat Omeyyade avec Damas comme capitale. Ce sont eux qu’on nommera plus tard les sunnites. A l’inverse, une minorité ne reconnait pas Muawiya comme calife et soutient le fils d’Ali l’imam Hussein. On appellera cette minorité les partisans d’Ali (Shiiat’Ali) d’où le nom de chiites.

Hussein sera décapité par les troupes de Muawiya lors de la bataille de Kerbala en 680. Ce martyr d’Hussein est célébré chaque année lors de la fête de l’Achoura par les chiites. C’est pourquoi on qualifie souvent le chiisme de « religion de martyrs », thème qui sera surexploité notamment par l’Iran lors de la guerre contre l’Irak et par le Hezbollah libanais.

Comme nous pouvons le constater, l’origine du clivage chiite/sunnite n’est pas religieuse mais politique. Il provient d’une guerre de succession au sein même de l’Islam des origines.

 

II) Qu’est-ce que le sunnisme et le chiisme ?

Le sunnisme et le chiisme sont donc divisés depuis la mort d’Ali. D’abord politique, cette division s’est progressivement transformée en opposition religieuse. Cependant, il ne faut jamais oublier que sur l’essentiel ces deux groupes ne sont pas opposés. Sur la révélation prophétique, sur l’incréation du Coran, sur les cinq piliers de l’Islam, sur la majorité des Hadiths, rien ne les sépare.

L’élément central qui distingue le chiisme et le sunnisme vient du rôle de l’imam. Pour les sunnites, dont le nom est issu de la « sunna » (Tradition), l’imam n’est qu’un savant et un conducteur de prières. A l’inverse pour les chiites, selon Serge Lafitte*, « l’imam est le seul à posséder la pleine connaissance de la loi divine, le seul à détenir l’autorité de son interprétation (Itijihad) et donc le seul à pouvoir définir les principes de droit ».

Ce pouvoir de l’imam va conférer au Chiisme une dimension apocalyptique de la révélation. En effet, pour eux chaque prophète est suivi par des imams qui éclairent le sens caché de la révélation divine. Les chiites croient que cette mission prophétique a été poursuivie par les imams (Ali, Hussein et leurs successeurs). Mahomet étant le dernier prophète, la fin du monde sera précédée par la résurrection de l’imam caché, le dernier imam, qui établira le royaume de Dieu sur terre.

C’est sur ce point que les chiites se divisent entre eux. Les chiites duodécimains, majoritaires en Iran, en Azerbaïdjan et en Irak, pensent qu’après Mahomet douze imams se sont succédés. Le dernier d’entre eux, Mohamed Al-mahdi, disparu en 874, est censé revenir sur terre après une longue période dite « d’occultation » dans laquelle les chiites sont censés se soumettre à toutes les autorités politiques dans l’attente du Mahdi. Au fil du temps, le chiisme duodécimain s’est doté d’un clergé, cas unique dans l’Islam, et ceux depuis que les Safavides (XVIème siècle) ont fait du chiisme la religion d’état de l’empire perse.

Les Zaydites, quant à eux, considèrent que la lignée des imams s’est éteinte avec le sixième imam Zayd Ibn Ali. Ils sont présents principalement au Yémen.

Les ismaéliens sont eux présents en Inde, au Pakistan ou en Afghanistan. Ils voient en Ismail le septième et dernier imam.

Enfin, il existe d’autres branches minoritaires du chiisme, notamment les alaouites, présents en Syrie, au Liban et en Turquie (Alevis) mais aussi les Druzes (Syrie, Liban).  Le chiisme n’est donc absolument pas une doctrine unifiée.

Pour les sunnites également, la division règne. On peut distinguer quatre écoles théologiques du sunnisme. Il y a tout d’abord l’école hanafite, majoritaire chez les sunnites, et présents particulièrement en Turquie. Cette école s’inspire d’Abou Hanifa (VIIIe siècle) pour qui une grande liberté d’interprétation (Itijhad) doit être accordée aux juristes pour définir les règles de vie liées à l’Islam.

La seconde école est l’école Malikite. Elle est majoritaire au Maroc et en Afrique du Nord et s’inspire des écrits de Malik Ibn Anas, un jurisconsulte du VIIIe siècle.

La troisième école est l’école Chaféite présente surtout en Indonésie et en Malaisie. Pour son théoricien Mohamed Al-Chafii, l’Islam ne doit pas être soumis à la réflexion personnelle du juriste.

Enfin, la dernière école est l’école hanbalite qui s’appuie sur une lecture littérale du coran et prône l’imitation de Mahomet et de ces compagnons (Salaf). Cette doctrine issue d’Ibn Hanbal (IXe siècle) s’est décomposée au fil des siècles en salafisme, sous l’influence de Rachid Rida (1865-1935), et en wahhabisme, doctrine officielle du royaume saoudien depuis l’alliance entre Mohammed Abd Al-Wahhab et Mohammed Ibn Seoud en 1745. Cette école est majoritaire dans la péninsule arabique et au Pakistan.

Nous pourrions ajouter le soufisme, qui est une doctrine ésotérique voire mystique de l’Islam mais qui a toujours été très minoritaire dans le monde musulman.

Le sunnisme et le chiisme ne sont donc pas deux blocs compacts antagonistes. Au contraire, chaque camp est marqué par des fractures idéologiques importantes. Or, on ne peut pas comprendre la guerre civile qui touche le monde musulman sans comprendre cette pluralité des doctrines religieuses à l’intérieur même de l’Islam.

 

III) Le conflit sunnite/chiite aujourd’hui

Pendant très longtemps, chiites et sunnites ont pu vivre dans une paix relative. Il est vrai que les califats musulmans ont été régulièrement secoués par des révoltes et des persécutions contre les chiites mais ce n’était rien en comparaison d’aujourd’hui. Depuis 1979, en effet, le conflit sunnite/chiite a pris des proportions dévastatrices.

1979 est la date clé. C’est cette année-là que l’ayatollah Khomeiny** prend le pouvoir en Iran. Cette révolution islamique a toute de suite été ressentie comme une menace pour les pouvoirs conservateurs musulmans.

Pour se défendre, les saoudiens vont utiliser deux leviers. D’une part, ils vont investir massivement, grâce à la rente pétrolière, pour exporter leur doctrine salafiste et wahhabite dans le reste du monde musulman et aussi en Europe. D’autre part, ils vont soutenir la radicalisation d’une partie des sunnites qui vont trouver dans le Djihad armé l’expression de leur frustration. La lutte contre les soviétiques en Afghanistan sera ainsi le moment fondateur du djihadisme.

L’objectif de ces politiques est de faire de la révolution islamique iranienne une révolution aux contours exclusivement chiites. Or, malgré le fait que le mouvement djihadiste a largement échappé à l’emprise saoudienne, cette politique connut un succès considérable.

Elle a en effet inscrit l’idée d’un côté d’une division irréconciliable entre sunnites et chiites et de l’autre côté que le salafisme et le wahhabisme sont les seuls à pouvoir vaincre la menace chiite. Se fracturant sur le cordon sanitaire saoudien, les iraniens ne sont ainsi jamais parvenus à étendre leur influence en dehors des minorités chiites.

C’est en effet une des conséquences de la stratégie saoudienne de voir le bloc chiite pour la première fois s’unir sous la bannière de l’Iran. Paradoxalement c’est du côté des sunnites que la division règne. Se développe en effet une lutte acharnée pour le contrôle de la légitimité religieuse sunnite.

Les hanbalites (salafistes et wahhabites) gagnent du terrain au détriment des autres écoles juridiques. Cependant, l’école hanbalite se voit elle-même divisée entre les salafistes quiétistes non violents et les salafistes djihadistes. Cette division du camp sunnite entraîne des conflits à l’intérieur de ce camp qui viennent se rajouter à la guerre sans merci que se livre les hanbalites et les chiites en Syrie, en Irak, au Yémen ou au Pakistan.

Ce petit rappel historique montre en tout cas que cette opposition actuelle entre chiites et sunnites provient en grande partie d’une rivalité entre les saoudiens et les iraniens qui est d’ordre politique avant d’être religieuse. Le conflit porte en réalité sur la question du leadership dans un monde musulman plus divisé et fragile que jamais.

 

Les différences entre les sunnites et les chiites sont donc très faibles. Elles sont avant tout politiques liées d’abord à la succession de Mahomet à la tête des croyants puis depuis 1979 à la rivalité entre le royaume saoudien et la république islamique d’Iran pour le leadership du monde musulman. On peut même dire que faire un clivage entre sunnites et chiites ne veut rien dire en soi étant donné l’incroyable diversité des mouvements religieux qui structurent les deux camps. C’est pourquoi il faut se méfier des visions trop schématiques voir simplistes qui entourent les médias d’information aujourd’hui. Le conflit sunnite/chiite n’est en effet qu’une illusion qui masque en réalité le vrai clivage : la rivalité irano-saoudienne.

*Serge Lafitte, Chiites et sunnites, Presses de la renaissance, (2007)

**Pour comprendre tous les enjeux liés au djihadisme international, il faut lire le livre de référence de Gilles Kepel, Djihad, paru peu après le 11 septembre.